Étude architecturale de Montgilbert

 

 

Sources: Courrier de la Montagne bourbonnaise Hiver 1979-1980

l'Ancien Bourbonnais d'Achille Allier, l'Allier pittoresque de Jolimont, l'Architecture militaire et châteaux en Bourbonnais de De Soultrait, Fiefs du Bourbonnais-Lapalisse de Aubert de la Faige et la Boutresse

 

 

Introduction

Le château de Montgilbert a été construit au XIIIème siècle et a été occupé jusqu'à la fin du XVIIIème siècle. Au cours de ces cinq siècles d'occupation, il a été plusieurs fois remanié : au XVème siècle pour s'adapter à l'artillerie (bastion), au XVIème siècle pour essayer de le rendre plus confortable, enfin au XVIIème et XVIIIème siècles, du fait de son abandon progressif. Bâti au sommet d'une butte granitique, dans l'un des méandres du Vareille, Montgilbert est adapté au terrain sur lequel il est construit : son enceinte extérieure renforce sa défense à l'Ouest et au Sud, du côté où la pente est la plus faible; le château haut, de plan carré repose sur le rocher, qui affleure dans la cour haute comme dans la basse cour. Jusqu'au début du XXème siècle, la colline était recouverte de prairies et de champs cultivés, la forêt de hêtres a donc moins de 100 ans. Voilà ce que nous pouvons dire comme généralités sur Montgilbert. Rentrons plus dans le détail maintenant.

La pénurie de documents, associée à l'état de délabrement dans lequel se trouve Montgilbert (moins maintenant grâce à l'association REMPART) ne facilite guère notre étude.

L'examen de la structure, du mode de construction et des détails architecturaux, que des destructions partielles ont rendu malaisé, nous a pourtant révélé des traces de remaniement. Celles-ci nous indique d'une façon certaine que la construction de Montgilbert participe à plusieurs époques. Quelles furent ces époques ? les textes d'archives , hélas, restent muets à ce sujet. Les déductions ne constitueront pas, cependant, notre seul recours : au XIXème siècle, quelques auteurs (Achille Allier, Jolimont,....cf sources) ont décrit Montgilbert, assortissant leurs commentaires de lithographies. Grâce à ces textes et à ces gravures, nous avons pu constater l'état relativement bon de ce château au XIXème, et restituer l'emplacement de certains éléments de la construction qui, naturellement, ont totalement disparu.

Le château-fort de Montgilbert se compose de deux parties : le château à proprement parler, corps central de la forteresse réunissant à la fois les principales fonctions défensives et la qualité de résidence; d'autre part, une enceinte de protection renfermant la basse cour, et ceinturant la château sur la moitié de son périmètre. Ces deux parties se distinguent également par leurs plans respectifs : de par l'éminence qui le supporte, le château domine nettement l'enceinte basse; mais alors que celle-ci épouse la nature du terrain et décrit une courbe assez irrégulière, le corps central du château-fort dénote un souci d'ordonnance géométrique, obtenue par le nivellement de la partie supérieure du mamelon, et assurée, du côté Nord par un remblaiement.

 

 

Le château haut

 

Matériau et mode de construction

L'appareil ne varie pas dans l'ensemble du château : il est irrégulier, constitué d'un blocage de moellons dégrossis. Pris dans un mortier très compact, à forte teneur en chaux, les roches dominantes sont le granit, le porphyre et le grès ferrugineux, autant de roches très dures qu'offre en abondance le sous-sol de la Montagne bourbonnaise. L'approvisionnement en chaux devait être très aisé : à proximité de Montgilbert, Ferrières-sur-Sichon possédait des ateliers forts renommés pour la qualité de leur chaux. Pour répartir les tassements et éviter les désunions de la maçonnerie, le blocage est interrompu, surtout au niveau du tiers inférieur des murailles, par des assises de réglage composées d'un rang de gros blocs de granit taillés. Un exemple de cet assemblage est visible de part et d'autre de la poterne Nord. La jonction entre les tours et les courtines est réalisée systématiquement par un appareil en besace. Il semble même que la liaison entre les parties divergentes était renforcée par des longrines noyées dans l'épaisseur des maçonnerie. Il demeure, en effet, à certains endroits, sur une profondeur de 30cm, des orifices carrés qui représentaient les vides laissés par ces poutres en s'altérant au contact de l'air et des intempéries.

 

Les tours rondes et carrées

Les courtines du château haut définissent un aspect plutôt trapézoïdal que carré, et relient entre elles quatre tours rondes disposées aux angles. En complément de la symétrie générale,  s'ajoutait, au centre de chaque façade, une tour carrée. Achille Allier prétend que chaque face était armée d'une tours médiane, ce qui portait à quatre le nombre de ces éléments. Toutefois Quirielle n'en relèvent plus que deux, et, à l'heure actuelle, il n'en subsiste qu'une seule au côté Nord. Cependant, des traces d'arrachement et de chaînage d'angle sont encore visibles sur les façades Ouest et Sud, nous apportant la preuve de leur existence à ces endroits. En outre, et nous consultons, d'une part le plan cadastral de 1841, et d'autre part le lithographie de l'Ancien Bourbonnais, la présence de ces tours carrées sur les faces Ouest et Sud est vérifiée. Reste le saillant Est : il n'est porté ni sur le cadastre de 1841, ni sur la gravure de Jolimont, ni même, et paradoxalement, sur la lithographie d'Achille Allier. De notre côté, nous n'avons retrouvé aucune trace de chaînage ou d'arrachement sur la façade Est, qui corresponde à une tour carrée. Si l'on doit la localiser , il semble justifié de la placer à l'endroit où les courtines se sont effondrées sur une longueur de 7m, emportant avec elle les chaînages d'angle qui ont été nos repères sur les autres faces (l'importance de cet effondrement semble dû à la récupération des pierres de taille par les habitants des villages voisins qui usaient du château comme d'une carrière de pierres) ces saillants carrés n'atteignant qu'une largeur de 5,5m environ. La masse considérable de pièces éboulées au pied du mur, la place et l'ancienneté de cet effondrement situé au centre de la courtine, apporteraient une lumière favorable à cette hypothèse, que seule la fouille nous permettrait de vérifier. Le témoignage d'Achille Allier semble pourtant formel à ce sujet : il désigne bien 4 tours carrées; or, son commentaire est le plus ancien de tous ceux que nous avons recueilli du XIXème siècle. Certes le relevé du cadastre de 1841 ne signale pas cet élément, mais en trois ans, la tour a eu l'occasion de s'effondrer. Il apparaît comme une entorse inexplicable à la conception d'ensemble quand on considère l'organisation du plan et la régularité de la distribution. En conséquence nous opterons pour l'existence d'une quatrième tour carrée au centre de la courtine Est.

Par rapport à l'enceinte basse , le château présente un surcroît de défenses : pour protéger cette surface voisine de 2000m², les constructeurs ont multipliés les organes de flanquement. Les tours d'angle l'enserrent, d'autant que sa longueur n'excède jamais 40 mètres et que la saillie des tours, projetant les 3/4 de leur diamètre  vers l'extérieur, favorise ainsi le tir rayonnant. Pourtant, le constructeur dut ressentir la nécessité de compléter l'ensemble par des ouvrages médians puisqu'il édifia des tours carrées que nous avons déjà mentionnées, réduisant à quatorze mètres, et même beaucoup moins sur le front Sud, la distance séparant deux tours. La face Sud cumule à elle seule, quatre tours : deux circulaires des angles, une troisième de plan analogue est jumelée avec la tour d'angle Sud-est pour garder l'entrée; la quatrième était une tour carrée. La multiplication des éléments de flanquement a augmenté la qualité de la défense et, à l'inverse, permis une réduction quantitative de la construction : la variété et l'accumulation de ces organes ont rendu possible la diminution de l'épaisseur des murs et de la taille des ouvrages. Ce parti pris ne fut pas dicté par par un souci d'économie ou la médiocrité des moyens, l'importance du fief en apportant la preuve; il révèle au contraire le refus d'une défense passive, basée sur la résistance de la maçonnerie, et procède d'une volonté d'organisation plus complexe, cherchant à différencier les membres de la défense pour rendre celle-ci plus efficace. L'absence de donjon est significative de ce parti.

Un chemin de ronde (peut-être une galerie crénelée) faisait le tour du château haut, au sommet du mur d'enceinte.

Les trois tours rondes (Sud-ouest, Nord et Nord-est)  baptisées Tour du Belvédère, Tour du Diable Rouge et Tour de la Chapelle sont organisées de façon similaire :

       -un sous-sol vouté destiné aux réserves (cave ou silo).

       -un rez-de-chaussée vouté abritant une salle reliée aux bâtiments d'habitation (entrepôt, chambre, chapelle,...).

       -un premier étage consacré à la défense avec meurtrières auquel on accède par un escalier intérieur à la tour.

       -un deuxième étage toujours consacré à la défense.

       -un troisième étage tenant sans doute lieu de grenier.

Les deux seuls modes de couverture utilisés dans les tours sont la coupole et le plancher. La base des tours               circulaires accuse un fruit important. Dans cet empâtement est logée une salle basse, voûtée (réserve), et qui ne comporte aucune communication verticale avec les étages supérieurs, ni sous la forme d'un escalier, ni d'un trou pratiqué au sommet de la voûte. Seule la tour Sud-ouest possède, en raison de la dénivellation, deux salles basses superposées. Au-dessus du soubassement taluté, les cylindres des tours renfermait 4 étages. Une calotte sphérique recouvre le premier étage de chaque tour. Un plancher séparait les étages supérieurs : les poutres qui les supportaient n'étaient pas encastrées mais appuyées sur des corbeaux en quart de rond; ou bien elles reposaient sur le trait du mur. L'épaisseur de celui-ci diminue, en effet, avec la hauteur de la tour, s'amenuisant par retraits successifs de la paroi interne, jusqu'au couronnement. Les structures des derniers étages, dépourvus de voûte, la minceur relative des murs hauts, la localisation même du château-fort, dans un pays aux conditions climatiques rigoureuses, excluent totalement la présence de terrasses au sommet des tours. Celles-ci devaient être coiffées de combles aigus, et s'il ne reste aucun élément de charpente en place, des fragments de tuiles retrouvés dans les salles apportent une confirmation.

Les tours carrées comportaient 4 étages séparés par de simples planchers. A caractère exclusivement défensif, les tours carrées garantissaient le flanquement latéral et frontal des courtines. La disposition des archères respectait ce principe : leur fente était percée soit de face, au centre de la paroi, soit sur les côtés pour assurer un tir parallèle au mur d'enceinte. Néanmoins, seuls les deux derniers étages étaient munis de ces deux types d'archères. Le premier étage et la salle des réserves en étaient dépourvus. Une archère assez haute commandait le face Ouest du saillant Nord. Sous cette archère débouche une goulotte creusée dans un bloc de granit permettant l'écoulement des eaux des parties hautes.

Les archères

Les archères étaient percées en alternance sur toute la hauteur des tours. Il est pourtant remarquable que les archères ouvertes dans les trois directions principales (frontale et parallèle aux courtines) n'ont été utilisées ensemble qu'à partir du second niveau. Sans parler des salles basses, généralement obscures, le premier étage comporte une archère unique et frontale dans les tours jumelles au Sud-est, et dans les tours Nord-ouest et Sud-Ouest. Les tours encadrant l'entrée du château possédaient en plus une archère dont l'ouverture était dirigée non plus vers l'extérieur mais vers l'intérieur du passage, disposition courante, adoptée dans maintes forteresses dès le XIIème siècle. Seules les parties hautes des courtines avaient reçu les aménagements nécessaires à la défense active qui leur était impartie. En effet, très rares sont les archères ouvertes au pied de la courtine pour effectuer un tir rasant (une dans la courtine Nord, contre la tour carrée, les deux baies situées entre la tour carrée Sud et la tour d'angle Sud-ouest). L'étirement en hauteur des pans de courtine est assez important pour que l'on s'étonne de cette absence d'archères basses ou intermédiaires, d'autant plus que l'épaisseur moyenne des murailles ne pouvait offrir une résistance durable à la sape. Soit la densité et le rapprochement des ouvrages de flanquement furent jugés suffisant pour la défense des courtines, soit, aux archères anciennes, se sont substituées des ouvertures plus récentes et plus larges : les baies occupant les extrémités du logis; les baies situées de part et d'autre  de la tour carrée Ouest témoigneraient de cette modification.

 

Massif d'entrée du château haut

   

Au voisinage de la porte du château haut, les logis devaient s'interrompre pour laisser place au massif d'entrée. La composition de ce dernier ne se limitait pas aux seules tours jumelles comme son aspect actuel le laisserait supposer. L'agencement des pierres, au revers de la façade centrale, indique clairement que l'espace compris entre les deux tours et surmontant autrefois le passage, était ouvert, assurant sans doute une liaison directe entre les niveaux des tours opposées, et fournissant peut-être même l'unique accès aux étages supérieurs de ces ouvrages. Cette hypothèse nous est dictée par l'absence quasi totale de vestiges d'escalier, même dans la tour, pourtant la mieux conservée. En arrière, le massif d'entrée s'étendait jusqu'à une limite déterminée par la jonction de la tour d'angle Sud-est et la courtine Est. : toujours engagés dans la maçonnerie, demeurent visibles une assise sur deux, les restes du chaînage d'angle qui réunissait le parement intérieur de la courtine Est et le côté postérieur de l'entrée, en communication avec la cour du château. La disparition de toute la partie centrale de la porte nous laisse dans l'ignorance complète des dispositions dont était muni antérieurement le passage. Il semble que, pour sa surveillance, deux meurtrières occupaient les faces en regard des tours jumelles, et que leur fente descendait jusqu'au sol pour effectuer un tir rasant, le relevé de la tour d'angle nous en apportant l'indice.

Cependant, aucune rainure n'est plus apparente pour témoigner l'existence éventuelle de herses, aucun scellement pour localiser la place des vantaux; et dans son effondrement, l'entrée a emporté toutes traces susceptibles de prouver la présence de défenses plus complètes au sommet du passage, comme des assommoirs.

Par contre les vestiges des piédroits encastrés dans la maçonnerie, au revers de la façade, de claveaux, de baies, de rainures horizontales, empreintes d'anciens planchers, nous permettent de rétablir l'élévation du corps de garde qui surmontait l'entrée. Celle-ci comptait, entre le passage et le couronnement, un maximum de trois étages.

Au niveau médian s'ouvre une baie occupant presque toute la hauteur de l'étage, et dont la taille semble, à première vue, en contradiction formelle avec les impératifs de défense : objectif majeur des coups de force, la porte nécessitait un renforcement spécial de la construction, assuré ici, par l'accouplement de deux tours. Percer une baie aussi vaste en plein front du massif d'entrée relève donc d'une aberration défensive, à moins qu'il ne s'agisse d'un remaniement très postérieur à l'ensemble. Toutefois, nous écarterons cette hypothèse au profit d'une seconde dont certains éléments d'architecture paraissent confirmer la vraisemblance. Dissimulées par le lierre qui recouvre la majeure partie de l'édifice, deux rainures verticales ont été pratiquées de part et d'autre, et légèrement en-dessous de la baie que nous venons de signaler. Leur encadrement en granit taillé est de même type que l'appareil garnissant les jambages de porte et constituant le linteau de la baie. Ces fentes servaient, de toute évidence, à l'encastrement des poutres. Reste à définir la destination de celles-ci, compte tenu de leur hauteur avoisinant une cinquantaine de centimètres. Que des rainures aient assuré le passage de chaînes de levage d'un pont nous semble en contradiction non seulement avec toute solution constructive, mais aussi avec la topographie de la basse cour : celle-ci débute au pied de l'entrée, rien ne laisse imaginer la présence d'un fossé, et l'affleurement du rocher, la déclivité du terrain rendraient totalement vain l'utilisation d'un pont. Nous serions plutôt enclins à voir dans ces rainures, les logements de madriers supportant tout un système de défense mobile de type hourd ou bretèche. Dans ce cas, l'importance de la baie centrale, en vérité porte accédant à cet ouvrage en surplomb ne parait plus disproportionnée. Enfin, dans l'angle formé par la façade d'entrée et la tour d'angle Sud-est, percée dans le mur de celle-ci, s'ouvre sur une autre baie dont le profond ébrasement n'est pas assez convergent pour tenir lieu d'archère. Nous attribueront donc à cette baie, le même rôle que l'ouverture centrale, assurant la communication directe entre la bretèche ou le hourd, et le second étage de la tour. Ce dernier possédait, à l'opposé de cette baie, un élément qui ne se reproduit nulle par ailleurs dans le château. De fait, au rattachement de la tour d'angle à la courtine Est, il existe toute une imbrication de grandes pierres de taille, dont la destination parait assez confuse. Pour la définir, nous différencierons, d'abord, la série de bloc encadrant ce qui nous semble être une baie des pierres incluses dans le parement de la courtine Est. Les premiers ont gardé l'empreinte d'une feuillure destinée à recevoir le bâti dormant, soit d'une porte, soit d'une fenêtre. Il ne s'agit pas en tout cas d'un type de meurtrière analogue à ceux que nous rencontrons en d'autres parties du château. La seconde série de pierres, indique des chaînages. Parmi ceux-ci, il faut encore distinguer l'appât en besace qui unit la tour d'angle et la courtine, et, d'autre part, un bloc qui, au niveau de l'allège de la baie, part obliquement, et dont la direction fait un angle d'environ 20° avec la courtine. Visibles au-dessus du bloc, mais faisant défaut en-dessous, des arrachements confirment la présence, à l'origine d'une construction établie, en encorbellement, dans l'angle, à caractère soit défensif (ce serait alors une bretèche), soit utilitaire (ce serait alors des latrines).

 

Les logis et la cour du château haut

Nous avons signalé que Montgilbert répondait également à un souci d'habitabilité, sans doute en correspondance étroite avec la conception évoluée de la défense d'aucuns diront "classique". Le plan quadrangulaire favorise une implantation plus fonctionnelle du logis, et une répartition des bâtiments avantageuse pour la défense puisqu'elle dégage largement la cour centrale. Les bâtiments et logis étaient distribués parallèlement aux façades, et accolés aux courtines, dégageant au centre une cour dont nous ne pouvons préciser la forme exacte dans la mesure où ces bâtiments ont disparu (le plan schématique que donne Aubert de Faige et la Bouteresse dans Les Fiefs du Bourbonnais indique la présence de bâtiments sur les quatre côtés, bordant une cour rectangulaire de 22m par 27m). La communication de cette cour avec la basse cour s'effectuait par une entrée pratiquée à l'abri de la tour d'angle Sud-Est. L'adjonction d'une tour ronde supplémentaire, située en regard de la première, mais d'une saillie plus faible, renforçait la protection de l'entrée.

Les logis seigneuriaux étaient adossés contre la courtine Nord et des communs contre la courtine Ouest.

Le logis seigneurial occupait toute la longueur du côté Nord, adossé à la courtine qui surplombait le versant le mieux protégé naturellement. Quoique détruit en totalité, l'abondance et l'importance des baies percées dans la courtine nous donne l'assurance de son établissement en cet endroit. Les arrachements et les restes des fondations (encore visibles) nous indiquent que ce logis comportait, du moins au rez-de-chaussée, quatre salles rectangulaires d'inégales dimensions : la plus vaste, située à l'extrémité Est, s'étendait sur une superficie de 140m². La partie ouest du logis réunissait deux salles, de taille plus modeste (la salle desservant la tour N-O, et longeant la courtine Ouest, mesurait 5m par 8m; lui succédait, vers l'Est, une seconde pièce dont la forme approche un carrée de 8m de côté. La liaison entre la grande salle et ces dernières pièces, s'effectuait par un espace de même forme, mais plus proche d'un dégagement que d'un local habitable par ses dimensions (2m50 par 8m). Lui accorder cette fonction de passage nous semble plus vraisemblable dans la mesure où la porte d'accès à la tour carrée s'ouvre sur cet espace, et où cet endroit est le seul à desservir cet organe de flanquement de même que l'archère qui lui est accolée immédiatement à l'Ouest.

D'après le groupement des baies, les quatre murs de refend divisaient vraisemblablement le logis sur la hauteur des deux étages. Parallèlement aux refends étaient disposées des poutres qui supportaient le plancher séparant les deux niveaux. Leurs orifices d'encastrement sont encore visibles sur le mur Nord. Les plus importantes salles se trouvaient de plein-pied avec la tour intérieure, comme nous l'indiquent les vastes proportions des baies à ce niveau. Ce logis reposait sur un soubassement où étaient aménagées d'autres salles, sans doute utilisées comme des réserves. Leur distribution semble correspondre au plan des pièces supérieures. Pour porter la charge des étages, la voûte d'arêtes fut adoptée en couverture. Il subsiste encore la naissance d'une de ces voûtes à l'angle Nord-ouest du logis, et il est fort probable qu'entre la terre et les décombres, subsiste un autre exemple de ces voûtes d'arêtes.

L'état du logis ne nous permet pas de connaître la manière dont s'effectuait la communication entre les différents niveaux. Était-elle verticale et unique, concentrée dans un organe réservé à l'escalier et appliqué au centre de la façade ? Ou bien se répartissait-elle à différents endroits, selon les besoins des salles ? Une possibilité consisterait à localiser l'escalier central dans le dégagement que nous avons désigné, en avant de la tour carrée Nord. Cette hypothèse s'appuie sur le fait qu'aucun escalier particulier ne desservait cette tour qui, pourtant, communiquait avec le logis à différents niveaux.

Les étages inférieurs des tours Nord-est et Nord-ouest n'étaient accessibles que par le logis. Aux réserves de celui-ci correspondaient des salles de même nature, installées dans la base des tours circulaires, sans aucune communication avec l'étage supérieur. Au niveau de ce dernier, seulement, partait un escalier à vis, réservé au service des tours, et montant sans doute jusqu'à leur couronnement et au chemin de ronde des courtines.

L'escalier destiné à la tour Nord-est était logé dans l'empâtement intérieur du mur, résultant de la liaison entre la tour et la courtine. Par contre c'est un contrefort placé dans l'angle externe formé par la tour et la courtine qui reçoit la vis de l'escalier opposé. Ce changement de parti surprend car il va à l'encontre d'une nécessité défensive : il affaiblit la construction et, surtout, empêche le tir rasant, parallèle aux courtines, sur un côté où le flanquement semble d'autant plus indispensable s'il ne comportait pas de tour médiane. On peut arguer la protection qu'assurait la forte déclivité de la pente; mais elle nous semble insuffisante et n'autorise pas des entraves au flanquement de ce genre. Un élément pourrait toutefois nous éclairer sur cette dérogation aux impératifs de la défense : à moins de 4m50 du contrefort se marque sur toute la hauteur de la courtine une trace d'arrachement, située dans le prolongement exact de la façade clôturant le logis. Cet arrachement laisse visible, de part et d'autre du parement, un chaînage d'angle constitué de gros blocs de granit taillés à l'équerre, identique aux chaînages qui assurent la liaison entre les tours carrées et circulaires et les courtines. Serait-ce l'indication d'un organe de flanquement ? Il nous semble douteux d'y voir le départ d'un mur latéral de la quatrième tour carrée dans la mesure où celle-ci se trouverait excessivement décentrée par rapport aux autres. Si l'on doit restituer cette tour carrée, il semble plus justifié de la placer où nous l'avions précisé précédemment, à l'endroit où les courtines se sont effondrées sur 7m. Que représente ce fragment de mur dont la naissance indique une direction légèrement oblique à la courtine Est ? Devons nous supposer qu'il s'agit d'un élément réservé à la protection de la tour d'angle Nord-est ? Les arguments qui étayent cette hypothèse repose essentiellement sur le rôle particulier que semble remplir cette tour.

 

La tour circulaire Nord-Est, la tour de la chapelle

De fait, celle-ci se distingue des autres tours du même type par sa taille d'abord, par la structure d'une de ses salles et l'adjonction d'un contrefort ensuite.

Sensiblement plus volumineuse que ses voisines, la tour Nord-est développe un diamètre intérieur de 5m30 (le diamètre de la tour N-O n'excède pas 3m80; celui de la tour S-E n'excède pas 3m90 et celui de la tour S-O n'excède pas 4m20). Ce diamètre est donc supérieur, au minimum, d'un mètre à celui des autres tours.

La salle qui renferme le rez-de-chaussée constitue un autre caractère distinctif de par son plan et son élévation : la pièce épouse intérieurement la forme d'un heptagone presque régulier. Le choix de cette figure détermine aussi le mode de couverture : à  la coupole ordinairement employée dans les autres tours, s'est substituée une voûte plus recherchée, évoquant une étoile, la retombée des sept branches concordant avec les sept arêtes du polygone.

L'éclairage provient de deux fenêtres en plein cintre, étroites et allongées, l'une étant dirigée exactement vers l'Est, l'autre logée dans le pan du mur voisin, vers le Sud-Est. Au fond d'un important ébrasement, l'encadrement en granit taillé conserve la trace de la feuillure et des scellements où étaient fixés barreaux ou barlotières.

L'originalité du plan et l'élévation, le dessin unique des ouvertures donne à cette pièce une importance singulière. Achille Allier y voyait une chapelle, et Bruand lui attribue également cette fonction. C'est un fait que l'aspect de la pièce confère à cette hypothèse un poids certain; toutefois, en absence de preuves irréfutables, nous la regarderons avec une réserve notable.

 

 

La basse cour et l'enceinte extérieure

L'enceinte basse

L'enceinte basse décrit une courbe assez irrégulière  puisqu'elle épouse la nature du terrain. Cette enceinte de protection qui renferme la basse cour, ceinture le château sur le moitié de son périmètre. Sur deux côtés (Nord et Est) de la colline la pente est abrupte et la défense aisée. Par contre sur les côtés Ouest et Sud, la pente est douce et l'attaque facile. La muraille extérieure protège donc le château sur ces côtés Ouest et Sud. Elle épouse les courbes du niveau et est renforcée par deux  tours rondes et une tour carrée (la tour porche). Meurtrières, bretèches et un chemin de ronde complètent ce dispositif. Du côté Ouest succèdent aux deux tours rondes, quatre grandes archères abritées sous une niche cintrée, de plein-pied avec le sol et espacées de 7m environ.

La construction est hétérogène et s'est étalée dans le temps. Certaines parties sont élaborées et prévues pour accueillir des hourds, d'autres se limitent à un simple mur.

 Au point de vue défensif, les faiblesses de cette enceinte basse apparaissent au premier coup d'œil : non seulement les murs sont d'une épaisseur très moyenne, variant entre 1m90 et 2m, mais les tours de flanquement, malgré leur diamètre hors œuvre supérieur à 10m, assurent une protection nettement insuffisante : situées aux points les plus vulnérables du site, elles pouvaient aisément battre, de par leur saillie, toute la portion de la courtine intermédiaire, et celles qui s'en détachaient de par et d'autre, sur une longueur d'une vingtaine de mètres. Mais au-delà, elles étaient incapables de résorber les angles morts engendrés par le tracé polygonal de l'enceinte (ces angles se remarquent particulièrement au Nord de la tour de la Prison, et au Sud de la tour Angèle, entre celle-ci et le bastion). Pointant vers le front extérieur, menace permanente en cas d'assaut, pour la résistance de la construction, ces angles furent soigneusement renforcés par des chaînages de pierres taillées, ajustés avec précision. Au droit de l'angle Nord fut même prévue une protection supplémentaire : à une dizaine de mètres du sol, subsistent encore les corbeaux d'une bretèche.

La tour de la Prison comporte au centre du plancher de la salle du second étage une ouverture carrée. Encadré par une bordure de granit soigneusement taillé et chanfreiné, cet orifice s'ouvrait dans le voûte de l'étage inférieur. Cette ouverture permettait de hisser les projectiles nécessaires à la défense active , depuis la salle inférieure où ils étaient amassés, et facilitait la transmission des ordres; dispositif qui, en cas d'attaque, coordonnait les manœuvres et accélérait le tir défensif. Ce système offrait un avantage certain dans les ouvrages où toute la résistance et les capacités étaient concentrées au sommet, comme c'est le cas à Montgilbert, malgré l'utilisation d'archères intermédiaires ouvertes sur la hauteur des tours.

Un élément de défense essentiel, nous ne l'omettons pas, était le chemin de ronde et le couronnement des courtines. Il n'en reste malheureusement aucun vestige, et les gravures du XIXème ne nous en ont même pas transmis l'image. Aux dires d'Achille Allier, une galerie crénelée du même genre composait également les superstructures du château, l'auteur y décèle un style du XIVème siècle.

 

Le bastion

Au XVème siècle, l'apparition de l'artillerie bouleverse la conception de la fortification, murs plus épais et moins hauts, bouches à feu sont nécessaires. A Montgilbert l'adaptation à l'artillerie se manifeste principalement par la construction du bastion, un bâtiment aux murs épais, muni de canonnières. Construit devant la porte d'accès du XIIIème siècle, jugée trop exposée aux tirs de canons, le bastion se substitue à une barbacane qui venait déjà renforcer la porte. La bastion est caractérisé par sa forme allongée, arrondie à son extrémité. Les murs, très nettement surbaissés par rapport aux autres tours, présentent une épaisseur considérable de 3m. Dans l'hémicycle sont concentrées  quatre meurtrières dont la fente possède un trou médian pour le passage d'une couleuvrine et descend jusqu'au pied du mur.

La tour d'accès

Le bastion a été rapporté à l'avant d'une tour sans en altérer le plan originel. La configuration de cette tour s'apparente au saillant carré du château, elle en est, en effet, établie sur un plan barlong, et assise sur une base élargie par un talus. Un grand appareil forme le parement de ce fruit et, par la même, se distingue nettement du blocage grossier constituant le bastion. Elle comportait trois étages. Le premier étage met actuellement en communication le bastion et la basse cour. Toutefois à l'origine, il était réservé à la première entrée du château et servait de porte à l'enceinte basse. Pour accéder à la basse cour, il fallait donc pénétrer sous cette tour et non, comme c'est le cas aujourd'hui, longer cette dernière et passer sous une simple baie en plain cintre, ouverte dans l'enceinte adjacente après l'adjonction du bastion. Cette tour barlongue commandait le versant le moins abrupt et le plus régulier du site qui, tout en facilitant l'accès, favorisait également les attaques. Sous le tour, le passage était compris dans des murs très épais, distants l'un de l'autre de 3m, ceux-ci recevaient les poussées exercées par la voute en berceau appareillée transversalement à la direction du passage et encadrée par deux arcs-doubleaux en plein cintre, bandés perpendiculairement à la voute. Entre l'arc-doubleau antérieur et la naissance du berceau, étaient pratiquées deux rainures verticales dans lesquelles coulissait la herse. Les traces de ces glissières se voient encore parfaitement et montent jusqu'au second étage où devaient se situer les engins destinés à la manoeuvre, ou peut-être des herses si l'extrémité opposée du passage en était pourvue. Au second étage, faisant office de corps de garde, un berceau recouvrait toute la longueur de la tour et se superposait au premier.

La cour basse

La cour basse délimitée par l'enceinte extérieure et la château haut abritait des communs et des bâtiments. Elle abritait les habitations des serviteurs et des gardes, on peut imaginer qu'elle comportait un potager, une basse-cour avec des volailles, des cochons et des écuries, des réserves de fourrage et des citernes.

 

Datation et conclusion

A Montgilbert, les constructeurs ont dégagé la cour par l'adossement des bâtiments aux courtines, en concentrant la surface globale pour faciliter la rapidité des communications entre les ouvrages et les différents fronts, en renforçant la défense de l'entrée par deux tours jumelées, en réduisant considérablement la distance entre deux tours consécutives, en accusant la saillie des tours d'angle; le flanquement devenait d'autant plus efficace que les pans des courtines rigoureusement rectilignes évitaient le piège des angles morts, enfin en épaississant la base des tours par un fruit. L'identité de conception du château haut permet donc d'insérer le château-fort de Montgilbert dans la lignée des châteaux du XIIIème siècle.

La rareté des meurtrières aux flancs des courtines et pratiquement leur inexistence à la base de celles-ci alors que plus bas le seconde enceinte en était munie, démontre que la défense était concentrée dans les parties hautes des murailles à l'instar des forteresses du XIIème siècle. L'emploi de la calotte sphérique à l'exclusion de tout autre mode de couverture, et d'un petit appareil en moellon dégrossis ne peuvent constituer un élément de datation dans la mesure où le Bourbonnais et l'Auvergne ont très tardivement adopté la voûte en croisé d'ogive.

Ou bien le seigneur de St Gérand construisit (ou reconstruisit) le château de Montgilbert à l'image des réalisations auvergnates, sa participation à la campagne d'Auvergne lui ayant permis de se trouver à leur contact, ou de subir une influence plus générale.

Ou bien le seigneur de St Gérand reçut ou acquit le château déjà constitué, n'y apportant peut-être, que des remaniements superficiels. Dans ce cas Montgilbert remonterait aux toutes dernières années du XIIème siècle (1190) ou aux toutes premières années du XIIIème (1210), et sa construction procéderait uniquement d'une conception auvergnate; ce qui tendrait à prouver sa filiation très étroite avec les forteresses auvergnates de cette époque, et son absence d'analogies caractérisées avec les châteaux-forts bourbonnais contemporains. L'adjonction du bastion, en raison de sa forme et de sa conception dictée par les nouveaux impératifs de défense due à l'artillerie, la reprise notée de la tour à canonnières de l'enceinte basse, pourraient être l'œuvre de Villandrando qui occupa Montgilbert de 1434 à 1439. L'acte de reconnaissance de dette signé par le duc de Bourbon en 1434 stipule en effet que le surplus de la value de dicte terre ledit Rodrigue prendre pour la garde de la dicte place et forteresse, gages d'officies, tenir les édifices de la forteresse, granges, moulins et autres domaines en estat et y faire les réparations nécessaires.

L'opposition très sensible existant entre le caractère très rudimentaire de l'enceinte basse et la conception très élaborée du château haut qui la domine pose un dernier problème : le contraste entre la symétrie et la régularité des corps principaux, et l'étirement irrégulier de l'enceinte basse, le renforcement du premier et la faiblesse relative de la seconde, laissent entrevoir la possibilité d'une antériorité du château par rapport à l'enceinte basse. Les arguments qui viennent à l'appui de cette conjoncture sont les suivants : outre le contraste noté, la présence des archères basses, alors que le château en est dépourvu, la forme même de ces archères, identique à celle que renferme la tour Sud-ouest dont le remaniement parait visible, le fait encore que la maçonnerie du pas de courtine reliant l'ancienne porte basse et la tour d'angle Sud-ouest repose simplement sur le parement de celle-ci dans la liaison interne et que sa base est montée sur un soubassement plus large d'une bonne rangée de pierres de taille qui, en outre, amorce à un endroit donné une direction oblique, le fait enfin que le front Sud, considérablement renforcé, et par ailleurs le reste du château, forment un ensemble homogène suffisamment bien défendu pour subvenir à sa propre défense, même du côté le plus vulnérable. L'on peut apporter deux solutions complémentaires à ce problème :

Soit l'enceinte basse est contemporaine ou plus ancienne que le château lui-même, son caractère sommaire et la tour carrée percée à la base du passage d'entrée militeraient en cette faveur.

Soit l'enceinte basse fut rajoutée par les premiers Aycelins, les archères basses, l'opposition de style très forte qu'il existe entre celles-ci et celles du château haut, le caractère tout à fait secondaire de cet ouvrage forment autant d'arguments agissant en cette faveur.

Néanmoins, nous pouvons dire que seule la partie Est de l'enceinte basse fut remaniée, au moment de l'adjonction du bastion, nécessitant l'ouverture d'une nouvelle entrée, hypothèse qui expliquerait l'encoignure brutale que présente la jonction entre la courtine Est et la porte basse. Auparavant l'enceinte basse se prolongeait peut-être jusqu'à la crête de l'escarpement Est, coupant le chemin d'accès actuel, s'incurvait vers le Nord, et se rattachait au château au niveau de l'arrachement proche de la tour Nord-Est.