Le Château de Montgilbert
Situation géographique:
A deux ou trois kilomètres de Glozel (Allier, 25km de Vichy), dans la Montagne bourbonnaise. Situé sur la commune de Ferrières-sur-Sichon, à quelques encablures du hameau de Cheval-Rigond.
Montgilbert avant le Xème siècle:
D'après l'opinion de spécialistes, le château fort de Montgilbert occupait l'emplacement d'un castrum gallo-romain. On a trouvé dans les ruines des bronzes et des débris de poterie qui feraient supposer que Montgilbert était occupé ou fortifié à l'époque gallo-romaine. Vers 1867, des inconnus firent des fouilles dans les ruines bien des fois visitées. Car sur la plate-forme en terre située au nord l'on trouva des vases de bronze d'une certaine valeur. Le premier possesseur de ces objets, le sieur Monier dit Baline, platrier-peintre au Mayet de Montagne, les vendit à un habitant de Vichy, lequel les revendit à un agent de change, ou banquier de finances de Lyon qui désirait se monter un cabinet d'antiquités. La veuve de ce dernier cherchant à s'en défaire, les céda, moyennant finances, au musée de Lyon. Notre musée départemental put cependant faire l'acquisition d'une plaque d'entrée de serrure en bronze, avec cela, il acheta deux moraillons (pièce de métal qui s'adaptait aux malles, portes ou coffrets, et qui laissait passer par une ouverture formant lunette, l'anneau destiné à recevoir le fermoir, également en bronze, fixé probablement jadis au coffre qui refermait les objets nommés ci-dessus). Le trésor de Montgilbert acquis par le musée de Lyon portait sur plusieurs pièces. D'abord une espèce d'aiguière qui, dans l'antiquité, portait plusieurs noms : on l'appelait praefericum ou praeferculum quand on s'en servait pour les sacrifices; oenophorum quand on s'en servait dans les repas pour servir le vin. Les deux autres pièces sont un plateau ovale assez profond avec deux oreillettes de préhension, découpées en feuilles volutes et cercles bordés, sur chaque oreillette est gravé un vase en forme de cratère ou coupe à deux anses. Et une patère (vase ancien en forme de coupe très plate orné de moulures concentriques). Ces deux pièces sont en bronze argenté.
aiguière trouvé lors des fouilles et détails
Par ailleurs, neuf clés de bronze et de fer seront retrouvées lors de ces mêmes fouilles.
Généalogie de Montgilbert et de ses propriétaires
Avant de rentrer plus dans les détails, notamment par l'étude architecturale du château, il est indispensable de donner une vision globale du site par ce petit résumé historique du site et de la généalogie de ses occupants.
Le site de Montgilbert, sur un promontoire granitique dominant une boucle du ruisseau le Vareille à l'Est, à l'Ouest et au Nord, fut occupé dès l'époque gallo-romaine (peut-être un castrum) et livra de beaux vestiges en bronze. La terre de Montgilbert appartint , entre 1200 et 1215, à la famille de St Gérand, comme celle de Pyramont et de Châteldon. Archambaud de St Gérand a dû, sinon construire le château, du moins restaurer une forteresse antérieure, lui qui était lieutenant du sire de Bourbon chargé de la garde des chemins menant du Bourbonnais au Forez. Le château tel que nous le connaissons date donc officiellement du XIIIème siècle, avec pour date de construction acceptée 1215.
Vers 1280-1290, le château arriva aux Aycelin de Montaigu Listenois (riches bourgeois auvergnats qui s'anobliront par la suite), il fut donc vendu à Guillaume Aycelin, époux d'Alix du Breuil. Le frère de Guillaume, Gilles, sera Archevêque de Narbonne et Garde des Seaux à la Cour en 1312. Cette famille donnera aussi un compagnon du duc Louis II, Bernard Aycelin, dit Griffon de Montaigu. Elle s'allia aux La Tour d'Auvergne, d'où sortit François III, le grand-père de Turenne, né en 1526 au château voisin de Ferrières-sur-Sichon. Cette famille s'éteignit en 1427 en la personne de Louis Aycelin .
En 1427, par mariage d'Isabelle de Montaigu (fille de Louis Aycelin qui a épousé Jean de Vienne en 1410) , Montgilbert parvint à Jean de Vienne, d'origine bourguignonne, sénéchal du bourbonnais; puis en 1434, Charles de Bourbon, en pleine guerre de Cent Ans, engagea le château à Rodrigue de Villandrando, mercenaire castillan, routier sanglant, qui fit du Bourbonnais sa seconde patrie, et qui avait épousé, en 1433, Marguerite de Bourbon, demi-sœur du Duc Charles Ier et fille bâtarde du duc Jean Ier de Bourbon. Villandrando prêta 6000 écus d'or à son beau-frère Charles Ier et reçut en échange le château d'Ussel, puis, devant l'état de délabrement de celui-ci, le château de Chateldon. Il s'installa finalement à Montgilbert et l'occupa épisodiquement de 1434 à 1439. A la tête de sa bande d'écorcheurs, il fut banni du royaume. Il acheva sa vie comme maréchal de Castille, au service de l'Espagne, vers 1457, après avoir légué ses biens à l'église de son pays natal. Nous reviendrons sur ce personnage de manière détaillée plus loin dans notre étude de Montgilbert. A noter que la construction du bastion date de l'occupation de Villandrando.
En 1439, Philippe de Vienne, devenu majeur, retrouva ses biens et son château; par mariages successifs, le château passa aux La Baume de Montrevel en 1522. En 1546 Françoise de Vienne porta en dot Montgilbert à Gaspard de Saulx Tavannes, Gaspard qui devint maréchal de France en 1570. Le château devient de moins en moins un lieu de résidence pour ses propriétaires.
Sous Louis XIV, les propriétaires habitent à la cour, certaines parties du château sont abandonnées et sa ruine commence.
En
1739 Marie Anne Horace de Saulx Tavannes épouse Jean Baptiste des Bravards
d'Eyssat, comte de Duprat et qui devient à son tour seigneur de Montgilbert
. Ils eurent deux fils Jean Louis qui naquit en 1744 et Etienne Marie.
Jean Louis, pris de passion pour Montgilbert, s 'y installe à demeure
. Vers 1770, le dernier héritier, Jean-Louis Bravard d'Eyssat
Duprat habite toujours à Montgilbert mais sa mère fait décheviller les
toitures pour l'obliger à quitter ce château démodé et sans réel confort.
Il résidera alors au Mayet. Il
fut le premier maire de cette commune dans les premières années de la révolution
.Son frère Etienne Marie ayant émigré il fut suspecté d'être ennemi de la république
. Arrêté en Pluviose An VII il fut condamné à mort et exécuté le 9 Floréal
An VII .
En juillet 1793 il est vendu comme bien national à Brunet Latour.
Au XIXème il sert alors de carrière pour les villageois des alentours, accélérant sa ruine.
La famille Delacour hérite enfin du domaine en 1850 grâce à un mariage avec Anaïs Brunet Latour; toujours propriétaire, elle signe tous les 9 ans une convention avec l'association REMPART pour sa sauvegarde.
Il est inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis le 11 octobre 1930.
Montgilbert, sentinelle entre Bourbonnais, Forez et Auvergne:
Nous allons étudier ici l'aspect stratégique de l'implantation de Montgilbert à cet endroit précis.
Établi dans une boucle de la Vareille (petite rivière locale), à un endroit où ce petit affluent du Sichon a profondément entaillé la roche, le château de Montgilbert occupe l'assiette supérieure d'une éminence granitique. Ici, comme dans tant d'autres châteaux de montagne, les constructeurs ont exploité les avantages naturels de cette butte, dont l'escarpement n'a certes pas le caractère inexpugnable des nids d'aigle sur lesquels sont situées des places telles que Blot-le-Rocher, dominant la Sioule au niveau de Menat, ou le château de l'Ours, au confluent du Cher et de l'Ours.
Toutefois cette position était favorable à l'établissement d'un château-fort dans la mesure où les versants Est, Ouest et Nord sont trop abrupts pour que l'escalade soit tentée sans danger, et où la pente sud, suffisamment douce pour faciliter l'accès à la forteresse, est entièrement commandée par le château. Nombre de places fortes bourbonnaises ont une implantation analogue : Hérisson, Murat, Bourbon, Châtel-Montagne, pour ne citer qu'eux. Au sommet, la régularité de la butte, améliorée par le nivellement sommaire du rocher, a permis l'établissement de la forteresse sur un plan simple et géométrique.
A ses avantages défensifs, la position de Montgilbert s'ajoutait l'intérêt stratégique d'un rôle de surveillance; d'une façon générale, surveillance des comtés limitrophes, celui du Forez et celui d'Auvergne; d'une façon plus locale, surveillance d'une des deux seules voies d'accès à la Montagne bourbonnaise, et d'un vieux chemin transversal reliant l'Allier à la dépression de Roanne.
La Haute vallée de la Besbre ayant sans doute freiné l'expansion des sires de Bourbon à l'Est, cet obstacle naturel dut faire dévier leur pénétration vers la Haute vallée du Sichon, l'endroit le plus resserré entre la Besbre et le Sichon. Pointe avancée à l'extrémité Sud-est du Bourbonnais, la construction de Montgilbert répondit sans doute à plusieurs ordres : la nécessité d'assurer les droits des Sires de Bourbon sur cette région au sein d'une mouvance où la propriété restait aux mains des seigneurs les plus puissants; la nécéssité d'implanter un poste de surveillance dans cette contrée caractérisée par son isolement par rapport au reste du Bourbonnais; la nécéssité, enfin, d'imposer une limite aux prétentions du comte de Forez et des seigneurs de Thiers qui lui étaient acquis, favorisées par l'incertitudes des frontières entre les trois provinces.
Le site de Montgilbert offre une vue très étendue en direction du Sud et de l'Ouest, les yeux pénètrent très avant dans la vallée du Sichon qui coule en direction d'Arronnes, puis, de là, vers Cusset et Vichy qu'il traverse. Or, nous savons que Vichy ne devint terre bourbonnaise qu'en 1374, et que Cusset ne cessa d'appartenir à l'Auvergne. Poste d'observation de premier ordre, Montgilbert contrôlait le trafic qui s'effectuait entre la Montagne bourbonnaise, Cusset et Vichy, de même qu'il surveillait toute infiltration étrangère qui aurait emprunté cette vallée. D'autre part, à l'opposé du Sichon, à moins d'un kilomètre de Montgilbert, passait le grand chemin de Cusset à Saint-Priest-La-Prugne qui, au delà, gagnait St-Just-en-Chevalet et Feurs par St-Martin-la-Sauveté. Fanaud (Voies romaines du Bourbonnais) nous en indique le tracé à l'époque gallo-romaine, à 4km du Mayet-de-Montagne, cette voie passait au bas du Cluzel, à la Croix du Vilard au Gros Pouthier, ce chemin faisait la limite des justices de Cusset et du Mayet. Puis il passait le Vareille près de la Couarle et continuait sur les Carrières. Par le village de Puyravel, il gagnait le Bois de la Rousse où il recevait le vieux chemin du Mayet par le Bizin, les deux chemins réunis se poursuivaient jusqu'à St-Priest-la-Prugne.
Exception faite de la vallée du Sichon, la butte de Montgilbert se tenait plutôt en dehors des grandes voies commerciales, et la surveillance économique qu'il exerçait ne devait être que secondaire et occasionnelle. Dans la Montagne bourbonnaise, les grands nœuds commerciaux étaient Châtel-Montagne et le Mayet-de-Montagne. Châtel-Montagne, possédé quelques années par les seigneurs de Montgilbert, représentait le grand centre d'échange : c'est là que descendaient sur Cusset et Lapalisse, les bois, les sabots, articles de ménage, charbon de bois, bestiaux de la montagne; là qu'arrivaient le blé et le vin de la plaine. Mais ce centre était desservi par une route reliant directement Cusset, passant très nettement au nord de la vallée du Sichon. Plus proche, également dans une dépendance plus étroite avec le fief de Montgilbert, le Mayet-de-Montagne et le plateau qui lui était adjacent, était un carrefour et un marché de grande importance pour la montagne. Mais le Mayet était nanti d'un château-fort qui devait assurer une surveillance plus efficace que Montgilbert distant de plusieurs kilomètres.
A vocation essentiellement militaire, bâti pour assurer une surveillance effective des confins du domaine bourbonnais, le château de Montgilbert est la conséquence de la politique d'expansion vers le Sud, idée fixe des Sires de Bourbon. L'importance même du fief de Montgilbert témoigne du rôle qui lui était assigné. Il est à remarquer également, que le château-fort de Montgilbert formait un maillon d'une chaîne réunissant du Sud au Nord, les château de Châteldon, de Puyramont (au sommet du Rocher Saint-Vincent), Montgilbert, Châtel-Montagne, Montmorillon, le Breuil et de Lapalisse. A l'heure actuelle le château du Breuil a complètement disparu, il semble d'autre part que le château de Lapalisse n'ait été créé que pour garder la nouvelle grande route vers Roanne et Lyon, succédant à celle qui passait par à la Motte. Ces fortifications composaient une sorte de front défensif dirigé vers le Forez et l'Auvergne.
Un acte daté du mois d'aout 1200 fait entrer Châteldon dans les terres relevant du Sire de Bourbon. On sait d'autre part, qu'à la mort de Guy Dampierre, en 1216, Châtel-Montagne comptait parmi les enclaves bourbonnaises nouvellement distraites au contrôle de l'Auvergne. Lapalisse fut incorporé un peu plus tard, sous Archambaud VIII (1216-1242). Quand au Breuil, Etienne seigneur du lieu, reconnaît en 1228 tenir d'Archambaud de Bourbon, sa terre. Le château de Montmorillon, enfin, possédé par les seigneurs de la même famille que les sires de Châtel-Montagne, relevait donc également des sires de Bourbon, dès 1216. Seule place à interrompre la continuité de ce front, le Mayet demeurera longtemps d'obédience auvergnate. Ces considérations nous amènent à penser que la terre de Montgilbert dut, elle aussi, suivre le sort commun à toutes les forteresses précédemment citées, et entrer dans le ressort du domaine de Bourbon aux alentours de 1215-1240.
Etude architecturale de Montgilbert
Villandrando, mercenaire et routier
Quelques photos de Montgilbert